Le bleu …
Publié le 5 Juillet 2014
Nous nous accoutumons à n'y point voir clair dans l'infini, et patientons longtemps au bord de l'invisible. Nous convertissons en musique les discordances de notre vie. Ce bleu qui nous enduit le coeur nous enduit de notre condition claudicante. Aux heures de chagrin, nous le répandons comme un baume sur notre finitude. C'est pourquoi nous aimons le son du violoncelle et les soirées d'été: ce qui nous berce et nous endort. Le jour venu, l'illusion de l'amour nous fermera les yeux.
Le fini et l'inachevé échangent en lui leurs vertus. S'il n'est point d'ame ni de principe, au moins existe-t'il ce bleu toujours prés de s'entrouvrir dans la grisaille des jours, offert à quiconque et pour rien telle la paume d'une main vide, et telle une promesse dont chacun doit savoir quelle ne sera point tenue...
Le bleu ne fait pas de bruit.
C'est une couleur timide, sans arrière-pensée, présage, ni projet, qui ne se jette pas brusquement sur le regard comme le jaune ou le rouge, mais qui l'attire à soi, l'apprivoise peu à peu, le laisse venir sans le presser, de sorte qu'en elle il s'enfonce et se noie sans se rendre compte de rien.
Le bleu est une couleur propice à la disparition.
Une couleur où mourir, une couleur qui délivre, la couleur même de l'âme après qu'elle s'est déshabillée du corps, après qu'a giclé tout le sang et que se sont vidées les viscères, les poches de toutes sortes, déménageant une fois pour toutes le mobilier de ses pensées.
Indéfiniment, le bleu s'évade.
Ce n'est pas, à vrai dire, une couleur. Plutôt une tonalité, un climat, une résonance spéciale de l'air. Un empilement de clarté, une teinte qui naît du vide ajouté au vide, aussi changeante et transparente dans la tête de l'homme que dans les cieux...
( extraits : Une histoire de bleu de Jean-Michel Maulpoix)
"L'âme a la couleur du regard. L'âme bleue seule porte en elle du rêve, elle a pris son azur aux flots et à l'espace..." Guy de Maupassant
" Y'a pas qu'au fond de la piscine que mes yeux sont bleu marine". Serge Gainsbourg
"Le verre de curaçao qui danse, l'amer qui devance le bleu nuit, les yeux délavés, du spleen aux ombres portée, blues ..." Voltene Sue
All Blues... (Chet Baker) ♪♫
L’Azur se courbe
et devant ton œil
bleu déclin
le baume cerisier blanc
de tes caresses
savamment décline
sa rhapsody
blue
stompin’ at the Savoy
le pianiste
aux doigts de cristal
étire
de Bessie des langueurs
désirables
et pianote
tempo blasé
les notes désenchantées de saveurs
oubliées
le blues le blues le blues
ronge ton âme esseulée
songe songe songe
à la lenteur du temps
qui s’écoule
se délasse et s’enlace
en cet instant
tandis qu’au ciel glisse
un long goéland
et qu'au firmament
passe la trace
ardeur de tes rêves
brûlants
(Angèle Paoli)
Almost Blue ... (Chet Baker) ♪♫
Bleu que je t'aime bleu
( tire ta langue ta belle langue bleue)
Le bleu ce n'est pas que le blues j'écoute Mingus
Le Bleu ce n'est pas que le bleu des pleurs je lisais Venaille - pourquoi tu pleures? dis - parce que le ciel est bleu
Le Bleu ce n'est pas que la grenouille de Spinoza et sa réalité intrinsèque La grenouille de Perros au fond d'un lavoir breton
Le Bleu ce n'est pas ce convalescent pâlichon que Maulpoix voudrait Jardiner - sans doute pour lui redonner un peu de couleur-
Un peu de ce bleu chinois des vestes de 68 qui avait teint les doigts de ma mère à la première lessive
Le Bleu sur le dragon couché de Ségalen
Les Bleus que j'accumulais enfant quand je faisais tant de couronnes dans la rue des premiers goudrons - la rue du pré de long
Le Bleu nous rejoignant nous disjoignant faisant corps faisant feu
Brûlant l'ombre des paroles et des yeux
Bleu que je t'aime bleu !
( jj Dorio)
Blue in the summer night .. (''Quiet Nights'' Miles Davis et Bil Evans) ♪♫
(période bleue de Picasso )